que dire de plus. 😉
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Le papa de Lou.
Chronique 27
(Femmes d’Aujourd’hui N°34 – 18/08/04)
Pour conclure : Au fait, c’est quoi être « aveugle » ?
Pour cette dernière chronique, papa vous parlera de la chose la plus compliquée à mon propos : me faire comprendre que je suis aveugle, chose que je n’ai toujours pas assimilée du haut de mes six ans.
Car finalement, c’est quoi être aveugle ? Facile, me direz-vous ? Et bien expliquez moi !
C’est « ne pas voir » ? Oui, bien sûr, mais c’est quoi, « voir » ? Des « images » ? C’est quoi des images ? Ce qu’on perçoit avec les yeux ? Je sais que j’ai des yeux, mais ils ne servent à rien.
Je me rends compte que papa, maman et tous les gens qui m’entourent ont une insolente facilité à se mouvoir, à deviner les choses, les prévenir… Mais on a beau me dire que c’est grâce à la vue, ça ne fait pas avancer le « schmilblick », car c’est quoi, la « vue » ? Un des cinq « sens » ? C’est quoi un « sens » ?
O.K., je pige les quatre premiers (et encore faut-il que je comprenne que ce sont mes outils de perception et que l’on appelle cela des « sens »), mais le cinquième qui me manque… C’est voir des images ? Vous l’avez déjà dit, et de toute façon, c’est quoi des images pour qui n’en a jamais vues ? Et puis moi, je me fais aussi des « images » dans ma tête, …à ma manière. L’image de maman, par exemple, c’est un timbre, une odeur, un bruit, un grain de peau, une forme spatiale.
Allez donc m’expliquer la vue !
Amusons-nous à inverser les rôles, s’il vous le voulez bien. Imaginons que je sois un extra-terrestre et que j’ai, par exemple, trois « sens » (et non cinq comme vous) : j’ai l’ouïe et le toucher (jusque là, vous me suivez), et mon troisième sens, serait le « snurf » (j’invente le terme puisque c’est une perception inconnue pour vous). Quoi ? Vous ne savez pas ce qu’est le « snurf » ? Mais enfin, le « snurf » vous permet de « snurfer » ! Vous ne comprenez pas ce que veut dire « snurfer » ? Evidemment dans ce cas…
Disons que c’est comme lorsque vous entendez quelqu’un s’approcher, sauf qu’avec le « Snurf », vous parvenez : à spatialiser l’autre (mais attention, ça n’a rien à voir avec la vue) ; à scanner sa matière, son volume, sa composition (mais sans le toucher). Ca vous fait donc, non pas des images, mais des « snurfies » dans votre cerveau. Vous ne parvenez pas à vous l’imaginer ? Ben oui, je comprends. Impossible de savoir ce que c’est que le « snurf » pour qui n’a jamais perçu de « snurfies » dans son cerveau.
Tout ça pour vous dire que papa et maman, ils me répètent souvent que je suis aveugle et que je ne vois pas. Mais cela me fait « une belle jambe ».J’m’en fous moi, d’être aveugle. Ce que je veux, c’est comprendre pourquoi tout est facile dans la vie des gens qui m’entourent et pas pour moi. J’veux la même chose, même si je ne le formule pas comme tel (ma formulation à moi se situe plutôt du côté de la colère et de la vexation quand il m’arrive un truc tordu auquel je ne m’attends pas, genre le coin de table qui « vient ME frapper »).
La question reste donc entière : c’est quoi être aveugle ?
Avec moi, il faut donc être patient, infiniment patient : expliquer, expliquer, encore et toujours, en prenant le problème par tous les angles possibles afin de trouver les mots justes que je comprendrai. Et il en va ainsi pour tout, y compris des choses si simple à vos yeux comme la pluie, le soleil, une voiture…
La vie avec moi, c’est donc une formidable expérience, une perpétuelle remise en question des certitudes et un combat quotidien contre… soi-même ! De la raison de papa de vous avoir fait partager cette chronique : témoigner de ce que nombre de parents ayant un enfant différent ou handicapé peuvent vivre. Alors, lorsque vous en croiserez dans la rue, faites leur un grand sourire, c’est la meilleure nourriture de l’âme et ils le méritent bien !
Merci de votre curiosité durant ces six mois.
Et n’oubliez pas : la vie est belle.
Lou, son papa et sa tribu complice.
PS : Mes aventures continuent sur : CLIQUEZ ICI
…et si un jour ces récits paraissent sous forme d’un livre, réservez-lui un bon accueil !
Chronique 26
(Femmes d’Aujourd’hui N°33 – 11/08/04)
Le temps qui passe.
Si, si, vous avez bien lu… j’ai six ans cette semaine (je suis né le 12 août) ! Pour être honnête, je pige pas encore bien la notion du temps qui passe : par conséquent, mon anniversaire, c’est pour moi un drôle de truc !
Les notions d’années, de jours et d’heures, c’est un petit peu compliqué pour moi. Ben oui, je ne vois pas le soleil se promener dans le ciel (je les sens par contre !), je ne vois pas le jour et la nuit (j’entends la différence d’ambiance), je ne vois pas les saisons (mais je les sens), et enfin, je ne vois pas le temps faire son oeuvre sur la vie. Même voyant, on ne remarque pas toujours que ceux qui vivent à nos côtés grandissent ou vieillissent, alors sans la vue…
De la raison (entre autres choses) de mon incompréhension à propos de l’autorité des adultes : je ne VOIS pas en quoi ils savent mieux les choses que moi puisque je ne MESURE pas leur expérience et leur longue vie. Dès votre plus tendre enfance, vous, les voyants, constatez immédiatement de visu la « pyramide des âges » ; moi, je dois me contenter de l’entendre au timbre de la voix, et le remarquer aux comportements aussi. Ce n’est donc pas parce que j’ai une voix fluette et que je culmine à un mètre dix, que mon autodétermination n’a pas le droit de s’exprimer.
Mais finalement, aveugle ou pas, on est tous pareils et on est tous passé par là : il paraît que cela s’appelle l’éducation.
Tout ça pour dire que, même si mes vieux me l’expliquent souvent (genre le clou qu’on enfonce obstinément), j’imagine difficilement que plus tard, je serai aussi grand que papa, avec une voix grave et des rides tout partout. J’ai peu de référence pour réaliser que je grandis (Je ne sais même pas que je suis deux fois plus haut qu’il y a cinq ans).
C’est décidément bien curieux le temps qui passe. Et sans la vue, je vous garanti que c’est franchement étrange !
Et puis, je ne suis pas encore très « souvenirs », même si je commence un peu à me remémorer de moments vécus il y a quelques jours ou quelques mois (c’est normal à mon âge compte tenu de ma cécité). Je n’ai donc pas d’échelle de temps sur laquelle je peux agripper mes souvenirs, d’autant que ceux-ci ne sont pas visuels : pas de photo, pas de vidéo pour me MONTRER les souvenirs.
Il ne reste donc que l’évocation… et les enregistrements sonores (ou le son des vidéos). Car papa et maman ont eu la bonne idée d’enregistrer des moments de ma vie depuis que je suis tout petit. Du coup, régulièrement, on écoute ensemble ces cassettes. J’entends alors ma voix de bébé ou de tout petit enfant ; je m’entends dire mes premiers mots et dire des phrases incompréhensibles. C’est assez troublant d’imaginer que cette voix que j’entends C’ETAIT moi, mais ça me plaît et me fait rire, même que je dis alors : « Ça, c’est Loulou bébé de quand j’étais petit ».
En conclusion, j’ai bien constaté qu’un jour donné – je ne sais pas pourquoi -, c’est la nouba, et que tout le monde me fait alors la fête et me souhaite un bon anniversaire.
Ceci dit, récemment, j’ai bleuffé maman. Je mangeais à table avec elle lorsque je lui ai demandé : « Maman, quand tu étais petite, tu aimais bien la balançoire ? ». Maman a été surprise. « …Euh… Oui, oui, bien sûr ! Comme toi, sauf que moi, j’étais une petite fille tandis que toi tu es un petit garçon. J’ai grandi et aujourd’hui je suis une femme, une « Madame ». Et quand tu seras très grand, toi, tu seras un « Monsieur ». J’ai répliqué sur le champs : « Mais je suis déjà un grand garçon ! » « Oui, mais tu seras encore plus grand. Aujourd’hui, tu as six ans, et quand tu auras 20 ans, tu seras un »Monsieur ». » Ce en quoi j’ai répondu : « …Mais je veux pas être un Monsieur ! Je veux seulement jouer au Monsieur… »(un des personnages de mon petit monde imaginaire où, effectivement, j’imite le ton sérieux des adultes mâles).
Ben oui, ça rentre petit à petit dans ma caboche, la notion du temps.
Chronique 25
(Femmes d’Aujourd’hui N°32 – 04/08/04)
Les sens et les mots.
Si la semaine passé, je vous parlais de mon apprentissage du pré-braille et de mon rapport aux jeux, cette semaine, je vous parlerai de ma lecture. Ben oui, je lis, moi, …enfin, à ma manière !
A ce propos, c’est comique : beaucoup de gens ont peur d’employer avec moi les mots qui se réfèrent à la vue comme « voir », « regarder » ou « lire ». Pourtant, ce sont des mots que maman et papa utilisent tout le temps. Et pour l’ensemble des aveugles, il en est ainsi. Il n’y a pas de tabou. Je regarde, je vois, je lis… avec mes autres sens. D’ailleurs, je les utilise moi-aussi. Je dis par exemple : « Tu vois que c’est gai ! ». Mon « voir », mon « regarder » s’adressent donc à mes autres sens : l’ouïe et le toucher (essentiellement).
Par exemple, au niveau relationnel, j’adore jouer au « toucher des doigts » avec les gens que je rencontre. C’est ma manière de les « voir », de les « sentir ». C’est un jeu très simple : juste m’amuser à effleurer le bout de mes doigts avec ceux de mon partenaire. Je peux ainsi passer un temps fou à faire cela. Autant vous dire que j’identifie illico les mains que je connais. Et pas uniquement par leur taille. J’y lis entres autres la dynamique, le tonus de l’autre. Si, si, j’vous jure ! Parfois aussi, je me risque à toucher les visages… mais c’est plus rare. Je fais bien des « doudouces » et des bisoux, mais explorer la forme de « l’autre », n’est pas ma passion. Et puis imaginez que tout le monde se mette à tripoter le visage de la personne rencontrée ! En fait, ce serait drôle.
Un jour, papa a rencontré une aveugle qui lui a ainsi touché le visage dans tous les sens. C’était sa manière à elle de se faire une idée, de voir autrement papa qu’uniquement de manière auditive. Ils se sont tout de suite entendu, ces deux-là.
Toujours à ce propos, si je n’aime pas trop toucher les visages, c’est à cause de la barbe des hommes. Même que depuis que papa a compris cela, il essaye de se raser tous les jours. De mon côté, je ne manque pas de lui dire lorsqu’il pique.
En conclusion, les mots « lire », « sentir », « voir » ou « regarder » ont un sens pour nous, les aveugles.
Pour en revenir à ma « lecture », je vous disais donc que je lis même si la lecture braille n’est pas pour tout de suite (voire même pour dans très longtemps, compte tenu des ma « confusion mentale »). Mais malgré cela, depuis que je suis tout petit, maman m’a fait lire des livres. Comment, me direz-vous ? Dès le départ, elle a cherché des livres tactiles qui existent pour tous les enfants (genre : le bébé souris qui doit être aidé pour retrouver sa maman (et sa longue queue), et qui croise, page après page, plein d’animaux dont on peut toucher la fausse texture de la peau. Parfois, maman transforme le livre elle-même en y rajoutant, comme dans ce cas là, une longue queue avec une ficelle à la maman souris. Hélas, il n’y a pas trois cents soixante bouquins adaptables comme cela.
Heureusement à l’école, il y a une ludothèque et des livres. Mieux, il existe une maison d’édition en France (« Les doigts qui rêvent ») qui, avec les moyens du bord , réalise de merveilleux livres mariant braille et illustrations tactiles. Chacun est fait à la main et vendu à un prix raisonnable, voire même dérisoire en regard au travail réalisé (l’éditeur est une association « loi 1901 » c.a.d. « ASBL » en Belgique). C’est ainsi que grâce à eux, je peux toucher la maison de chacun des trois petit cochons, sentir le loup dans le chaudron ; comparer, comme Boucle d’Or, les chaises, les bols et les lits de papa ours, maman ours et bébé ours etc.
Si hier, cela ne me plaisait pas trop, aujourd’hui je m’y prête presque volontiers ! C’est gai la lecture !
Chronique 24
(Femmes d’Aujourd’hui N°31 – 28/07/04)
Mes jeux… et le pré-braille
Depuis que je suis né, Maman s’est cassée la tête à la recherche de jeux adaptés à ma cécité et susceptibles de m’intéresser.
Au bout de cinq ans, je ne vous dis pas tout ce que mes parents ont accumulé pour susciter mon éveil. Du piano miniature à l’accordéon en passant par l’harmonica, le Kalimba, le Djembe (etc.) ; des jeux d’emboîtement aux puzzles sommaires, de la poupée qui rit aux animaux de la ferme qui font leur cri respectif, de la balle sonore (quand elle roule) au bâton de pluie. Conclusion : ça s’entasse à côté du canapé ! Il y a là-dedans toute une série de jeu que je n’ai jamais voulu explorer, marquant un refus catégorique. Quant aux autres, il faut me motiver et m’en rappeler l’existence pour que je m’y intéresse …quelques minutes. Finalement, le seul jeu auquel j’accepte de jouer de bonne grâce, c’est avec la balle sonore.
Pour tout vous dire, ils sont un peu ch…, Papa et maman. Parce que moi, ce que je préfère par dessus tout, c’est me balancer, rire, imiter, chanter ou écouter de la musique et des histoires. Or régulièrement, ils m’obligent à « jouer avec mes petites mains »(*). Ils me disent que c’est indispensable pour mon avenir. Soit. Et comme la base de mon apprentissage scolaire est de m’amener au braille, je dois apprendre la notion des six cases (ou six points) qui est le fondement même de l’écriture braille (toutes les lettres sont une combinaison variant les six points). Pour cela, je dois acquérir la notion de « haut » et « bas », après quoi, je découvre qu’entre les deux, il y a un « milieu ».
Ensuite, on répète cette notion en définissant une gauche et une droite. Ça, c’est pour définir rien qu’une lettre.
Un jour donc on me fera découvrir qu’à gauche, il y a à nouveau une gauche et une droite, et à droite la même chose… pour former des mots. Pas simple, hein ? J’vous dis pas comme ça m’emm… .
Alors, pour rendre les choses plus ludiques (on fait la même chose à l’école), Papa a construit une boîte à six cases dans laquelle il range tantôt des cubes, tantôt des animaux. Du coup, c’est plus fun. Même si, je dois bien reconnaître que, malgré tous leurs efforts, je suis loin d’être toujours d’accord d’y jouer. Pire, parfois, ils doivent m’y obliger. Heureusement, après un arc-en-ciel de sentiments, je finis la plupart du temps par morde à l’hameçon. « Alors papa… Montre moi… A papa ! » Papa : « Alors montre-moi la vache qui se trouve en haut à gauche. » Je la prends et la lui donne en ponctuant mon geste d’un : « Mais oui, c’est gai de jouer avec ses petites mains… » Comme quoi, hein !
Toujours au rayons jeux, mes parents achètent régulièrement des appeaux pour me faire découvrir le cri des animaux.
Tout a commencé avec un vieil appeau imitant le canard que papa avait acquis pour attirer l’oiseau lors du tournage d’un film !
J’ai tout de suite apprécié, sauf que bon, je m’amusais à souffler si fort que les lamelles ont fini pas être déforméesIls avaient beau me dire de souffler doucement, moi cela m’amusait trop de produire des bruits incroyables jusqu’à ce que le sifflet ne produise plus aucun son. J’vous dis pas les colères qui ont suivie tant et si bien que le happeau a fait l’objet d’un « lancer du poids » de ma part… et qu’il s’est cassé.
Depuis lors, je me suis calmé. Maman a racheté un appeau de canard (qui lui aussi est presque naze), mais aussi de pigeon, de roitelet, de coucou… le dernier en date étant un appeau de sanglier (cendrier, comme j’ai dit la première fois !). Avec celui-là, j’ai battu des records de décibels.
Conclusion : le mot jeu m’évoque plus une tâche ou un devoir qu’un loisir. Etonnant n’est-ce-pas ?
Chronique 23
(Femmes d’Aujourd’hui N°29 – 1/07/04)
En forêt
Si il y a bien une chose que j’adore, c’est bien promener le chien en forêt avec papa.
Pour moi, la forêt, c’est un drôle d’endroit : on n’entend pas de voiture, juste le vent dans les arbres. Et puis, il y a ces poteaux que papa appelle arbre et qu’il veut absolument me faire toucher. C’est petit ou gros, rugueux (j’aime pas trop en fait), et je n’en connais que la base. Il me dit tout le temps qu’il y a plein, plein d’arbres dans une forêt et qu’ils sont aussi grands qu’une maison. Soit. Je vois pas l’intérêt. Du coup, lorsqu’un arbre a été coupé, papa me fait marcher sur le tronc pour que je me rende compte comme c’est grand et haut… quand c’est debout. Je crois pas avoir très bien compris et puis je m’en f… un peu.
Moi, ce que je préfère, c’est le roulis de la poussette car pour ce qui est de marcher… Ben oui, je suis de nature paresseuse et méfiante (vous l’aurez compris, je crois).
Alors Papa a trouvé un truc pour m’extraire de mon carrosse : il me fait tenir la poussette et dit : « Poussette, tu restes là ! » . Je fais alors deux ou trois pas en la poussant puis, malicieusement, je la projette loin pour la faire désobéir. Papa en profite pour l’éloigner encore plus et m’abandonne donc tout seul sur le chemin. « Aaaah, la poussette, s’en va ! Poussette arrête-toi ! Mais qu’est ce que j’ai dis, poussette ! ». Et je me marre en l’entendant faire le pitre.
Une fois arrêté, papa agite alors mon carrosse pour que je le repère auditivement. Je le rejoins alors et on recommence.
Grâce à ce petit jeu, je marche un peu et j’apprends à m’orienter avec les sons. J’apprends aussi surtout à faire confiance, parce que parfois, je dévie de ma trajectoire, direction le fossé ou un gros hêtre. Bref, je dois écouter les conseils de papa. « Stop! » – « A gauche » – « A droite » – « Ici la poussette ! » (…)
Par conséquent, si vous croisez en forêt un drôle de type avec un chien blanc, qui agite une poussette vide en chantant : « poussette, pou-poussette… », et que plus loin il y a un gamin qui rit tout seul et avance à petit pas, ne vous inquiétez pas. On n’a pas fait une journée portes ouvertes à l’asile du coin. Quoi que… à voir parfois la tête des gens que l’on croise… Le ridicule ne tue plus, sinon, toute la famille serait décimée depuis longtemps !
Dans le même ordre des choses, cela fait quelques temps déjà, qu’un de mes jeux favoris est de dire : « Feux rouges ! Feux verts ! ». Vous l’aurez deviné, le principe est d’interrompre un mouvement lorsque je dis « Feux rouges ! » et inversement pour » Feux verts ! ». C’est tantôt un bon moyen que mes parents trouvent pour me faire avancer lorsque je traîne (par exemple, dans les escaliers pour monter au bain), tantôt un moyen que j’utilise pour, au contraire, faire durer les choses et les rendre plus ludiques. Je mets donc ce jeu à toutes les sauces : pour marcher, manger, m’habiller…et jouer. Evidemment, parfois cela n’arrange pas maman ou papa car quand je décide de dire un peu beaucoup de « feux rouges », cela ralentit encore plus les choses. Mais c’est tellement gai de se figer sur place, de s’arrêter avec une cuillère de bouillie pleine (qui commence à se déverser sur la table sans que je m’en rende compte)…
C’est comme pour tout avec moi : blanc ou noir, positif ou négatif… en fonction de ma sensibilité du moment. Mais bref, j’adore ce jeu qui parfois me fait trembler (littéralement) de plaisir.
Ah oui, au fait : je sais qu’il existe aussi les feux oranges, mais ça m’intéresse moins… Pourquoi des demi-mesures ? Et surtout, pourquoi tant de sérieux dans ce monde que je voudrais comme le pays de Cocagne !
Chronique 22
(Femmes d’Aujourd’hui N°28 – 14/07/04)
Au jour le jour…
Un lundi. Comme souvent, après une bonne journée à l’école, je suis naze et très « contraire » à la maison.
Après mon repas, je m’enferme dans ma « bulle », me balançant dans le fauteuil et répétant inlassablement le même mot. Papa me rejoint pour jouer avec moi. Je veux qu’on tombe par terre (on s’amuse parfois comme cela), mais il refuse : « Non Lou, désolé mais j’ai pas envie aujourd’hui. » Je me braque : « J’ai pas envie, j’ai pas envie, j’ai pas envie ! », et recommence à me balancer.
Seule ma soif me fait finalement sortir de mon petit monde. Maman qui cuisine m’invite à la rejoindre pour boire là-bas. Décidément, il ont décidé de ne pas me faciliter la vie aujourd’hui. Je suis prié d’y aller par mes propres moyens. Pas de « service livraison ». Ils exagèrent à m’obliger ainsi de me déplacer tout seul selon mes demandes. Bon, O.K., j’ai cinq ans, mais je suis différent moi ! Et puis, je vais pas me laisser enlever mes privilèges comme ça !
In fine, j’obtempère en exécutant le parcours du combattant : quitter le canapé ; contourner la table du salon ; éviter ma bascule, atteindre l’angle de la table de la salle à manger ; là, ne pas me cogner contre les chaises ; et enfin, le virage à 90° gauche, vers la cuisine. Mission accomplie. Je suis récompensé par papa qui m’y rejoint et m’invite à m’asseoir sur ses genoux. Je joue à tomber lentement tête en arrière contre le carrelage jusqu’à ce que mon crâne touche le sol, puis j’enchaîne avec des cumulets arrières en l’air où papa ne me tient qu’avec mes bras. Le pied !
Vient l’heure du bain. « Loulou, il veut pas prendre le bain. Le bain, il pleure ! ». (Comme ça, ils sont tout de suite prévenus que j’ai assez donné pour aujourd’hui). Insistance. Je m’énerve. J’essaye un autre truc : « Dans les bras de maman ». Mais maman est fatiguée. Papa trouve la parade : « Monte vite, où je vais t’attraper et te faire des guilis ! ». J’ai pas le temps de réfléchir et me fait avoir, une fois encore. Mais dès la première volée d’escalier, je me ressaisis : « Non je ne veux pas monter prendre le bain ! ». Moralité : fin des négociations. Papa me dit calmement que je vais obéir et qu’il n’a pas envie de se fâcher. Je persiste. Alors il saisit ma main et me tire calmement mais fermement. Je résiste.
Découvrant la situation, ma soeur Eva s’excite, croyant assister à un jeu. Elle voudrait qu’on fasse de même avec elle …et se fait remballer.
Deux minutes plus tard, je suis à bon port. La marée monte dans la baignoire. Papa en profite pour causer avec ma soeur qui boude. « Pourquoi Lou, il peut, lui ? » Il essaye de lui faire comprendre que ce n’était pas un jeu. « Oui, mais il n’y en a que pour Lou ! ». Il lui rappelle tout ce qu’ils faisaient avec elle au même âge et ce qu’ils font encore, même si c’est vrai que je prends beaucoup de place. Et puis ils lui consacrent parfois une journée rien que pour elle quand c’est possible. Bref, elle doit essayer de voir le positif, et non comparer.
Si je vous dis tout ça, c’est parce que j’écoutais attentivement leur conversation pendant que maman m’aidait à me déshabiller. Régulièrement je disais à maman : « Papa, il parle avec Eva ». Faut dire que j’aime bien le ton de papa à ces moments là. J’préfère ça à sa grosse voix.
Une fois réconcilié avec elle, il veut se rendre dans son bureau. Re-crise de ma part : « Le bureau il pleure ! Je veux pas papa dans son bureau. Je veux le bureau dans le bain ! ». Chouette, à mon tour de recevoir la leçon de papa. Il m’explique qu’il vient de beaucoup jouer avec moi, qu’il a le droit de faire des choses sans moi. Bref, que je dois pas avoir peur.
Moralité ? Un fois encore, ils m’ont bien eu. Je barbotte comme un petit fou dans le bain et Eva est de nouveau positive.
Au moment de me coucher dans mon lit, je dis à papa avec le même ton rassurant que le sien : « Tu vois que tu dois pas avoir peur. Et Eva, elle doit comprendre que papa et maman, ils travaillent dans le bureau ». Je suis heureux et m’endors sur le champs.
Chronique 21
(Femmes d’Aujourd’hui N°27 – 07/07/04)
Le cheval
La semaine passée, je vous parlais de mon relatif inintérêt pour les z’animaux. Il y a cependant une exception : c’est le cheval. Lorsque l’occasion s’est présentée, maman et papa m’ont mis un petit peu sur l’un d’eux : que ce soit à la foire ou chez des amis. J’ai tout de suite aimé me balader sur le dos de ce gros animal qui m’avait l’air si paisible. Et puis, au moins avec lui, ça bouge, ça secoue …et ça n’hurle pas à mon oreille (comme le mouton*) ! Bon, évidemment, mes parents sont bons pour faire du sport en marchant à côté du cheval, histoire de me rassurer ou qu’il ne me prenne pas l’envie soudaine de descendre. Mais jusqu’à présent, tout s’est toujours bien passé.
Ma plus belle expérience s’est produite à Pâques lorsqu’une certaine Corinne qui lit mes aventures nous a invités parce qu’elle a un cheval super gentil : Choupi.
Un vendredi donc, nous sommes partis avec Eva. J’étais super excité rien qu’à l’idée ! Une heure de voiture plus tard, nous sommes arrivé à un manège.
Lorsqu’on m’a présenté Choupi, j’ai fait « glups » : j’ai soudain réalisé que c’était un truc que je n’avais fait que deux ou trois fois dans ma vie, et encore, sur un manège de foire ou deux minutes dans une prairie. Moralité : panique à bord ! Refus net (comme d’hab. vis-à-vis des nouveautés ou de choses oubliées). « Non, je veux pas… ». Pourtant Corinne m’avait l’air plutôt sympa et Choupi, le cheval, pas bien méchant quoi que ma tête arrivait à peine à son ventre. Mais à mon grand étonnement, j’ai senti papa et maman bien décidés à me faire monter sur le canasson. « Allez, mon Loulou, tu ne vas pas faire le bébé Cadum, tu vas monter sur le cheval avec Eva ». J’ai pas eu le temps de résister que je me suis retrouvé propulsé sur le dos de l’animal. J’ai bien essayé encore un petit coup avec ma formule magique (« J’ai peur »), mais Corinne, Maman, Papa et Eva (tous en chœur), m’ont répondu avec leur formule à eux : « Tu ne dois pas avoir peur, on est là pour te protéger ».
Conclusion, j’ai pas vraiment eu le choix, et c’est tant mieux parce qu’il ne m’a pas fallu une minute pour être complètement à l’aise, et cinq de plus pour apprendre à dire : « hue » et « hooo » auxquels je rajoutais « feu vert » et « feu rouge ».
C’était la première fois que je commandais à un énorme animal tout chaud sous mes fesses (on était à cru). J’ai trouvé cela vachement drôle. J’arrêtais pas de dire : « Hue – feu vert », et il démarrait. « Hoo, feu rouge » et il s’arrêtait.
Je me suis mis à crier fièrement dans le manège à l’attention de papa qui me filmait : « Ça va monsieur René* ? » (*qui zozotte)
Lui : « F’est très bien, Petit Fien Courave* ».
Moi : « Monsieur René, ou es-tu ? »
Et on s’est amusé ainsi à chaque fois ramener le cheval près de papa.
Quand Eva a commencé à avoir mal aux fesses, je suis resté tout seul sur Choupi. J’en ai profité pour faire le sot, inversant les ordres de départ et d’arrêt.
Au bout d’une heure, j’en ai eu un petit peu assez et ai cédé ma place à Eva.
Faut dire qu’il y avait quelque chose qui m’intéressait plus encore que le cheval : le bruit d’une usine toute proche. Mon éternelle fascination pour les bruits mécaniques et l’apprivoisement de ces sons bizarres. Du coup, j’ai traversé tout seul le manège jusqu’à la clôture pour être le plus près possible de la source sonore. C’était un chouette son, si, si, j’vous assure ! J’y suis resté un bon moment avant de spontanément demander de remonter sur le cheval. Quelques tours de piste plus tard, j’ai eu un bon coup de fatigue et on est rentré à la maison.
Pour sûr, on y retournera et je referai du cheval, ça m’a super plu… Merci Choupi …et Corinne !
Chronique 20
(Femmes d’Aujourd’hui N°26 – 1/07/04)
Les z’animaux et moi
Moi et les z’animaux… C’est bif-bof. Logique puisque je ne les vois pas vivre. Je ne peux donc m’émouvoir devant leur beauté ou m’amuser de leur comportement. De plus, allez m’expliquer que ce sont des êtres vivants tout comme moi. Bref, je l’avoue, les bestioles, ça m’indiffère malgré la présence à la maison de Méga, le chien de papa, et d’une petite chatte. Ma relation avec les animaux se résume donc à des expériences à chaque fois… particulières.
Le mouton
L’année passée, par exemple, j’ai été en « classe verte » dans une ferme spécialement aménagée pour la découverte de la vie à la campagne. 3 jours sans papa et maman qui furent super chouettes, à l’exception d’un petit incident qui m’a profondément marqué. On rendait visite à tous les animaux de la ferme pour les nourrir. Arrivé dans l’étable des moutons, on m’a assis sur le foin près des bêtes, moment qu’a choisi l’un d’eux pour me bêler en plein dans l’oreille. J’vous dis pas comme j’ai sauté en l’air …et la crise de larmes qui s’en est suivie. Pendant certainement deux ou trois mois, c’était le centre de toutes mes conversations : « Mouton ! Tu ne peux pas faire Bêêêêê ! » – « Mais tu (=je) ne dois pas avoir peur du mouton, il est gentil ! » – « Bêêê… Petit mouton, tu veux ta maman, petit mouton ? » – « Tu ne dois pas pleurer mouton… » etc… Depuis lors, mon imitation du bêlement de l’animal est parfaite (mon sens inné de la reproduction des sons). …Au point de corriger ceux qui font stupidement « bêêêê » (façon « cocoricoooo »)
Virgule
Un autre moment fort, il y a huit mois, fut l’arrivée de Virgule, la petite chatte. Y’avait bien déjà un chat, Fritz, mais il est mort l’été passé. J’sais pas ce que ca veut dire « mort », mais en tout cas, il est plus là. Alors, à la demande d’Eva, Maman et Papa ont repris un chaton (en se disant aussi que ce sera bien pour moi !). Au début, Virgule voulait tout le temps me sauter dessus quand je me balançais sur ma bascule ou dans le fauteuil : j’appréciais pas vraiment. Bref, ce fut pas vraiment l’amitié entre nous, bien qu’aujourd’hui je me laisse convaincre de la caresser quand on me le demande (il faut certes insister, mais je le fais).
En fait, je me moque pas mal de la petite chatte, sauf quand elle se manifeste de façon rigolotte.
Un jour, en me conduisant à l’école, Papa l’a prise pour aller faire ses premiers vaccins chez le vétérinaire. Dans la voiture, Virgule pleurait tout le temps dans son panier-cage. Alors, j’ai été tout mignon. Durant tout le trajet, je lui ai parlé : « Tu ne dois pas pleurer, petite Virgule… Tu ne dois pas avoir peur… C’est juste une petite piqûre… » En la matière, j’en connais un bout, puisque tous les soirs, j’ai droit à ma piqûre d’hormones (que j’accepte de bonne grâce).
Et puis, il y a ce jour où j’ai été pris d’un fou rire à cause d’elle. J’étais dans mon bain lorsque j’ai entendu tout d’abord un « plouf », puis maman qui s’est exclamée : « Mais… Virgule ! Qu’est ce que tu fais là ? ». Elle a ri et m’a expliqué : Virgule était tombée, non pas dans le bain (c’était déjà fait la veille), mais dans la cuvette de la toilette. Je me suis mis à rire, mais rire ! Moi : « Virgule dans la toilette ! Bah… Enfin Virgule ! ».
Ainsi donc, comme je le disais dans l’introduction, les animaux ne m’intéressent qu’à partir du moment où j’entends les gens autour de moi réagir face à eux : que ce soit quand ils sont drôles ou quand on les gronde (j’adore enguirlander Virgule dans mes petits monologues : « Virgule… Virgule ! Ça suffit ! »).
A tout cela, il y a cependant une exception dont je vous parlerai la semaine prochaine : les chevaux.

